Vie des affaires
Droit de vote multiple
Peut-on créer des actions conférant une majorité immuable des 2/3 des droits de vote ?
Une société peut-elle émettre au profit d'un actionnaire, des actions à droit de vote multiple lui permettant de conserver, quelle que soit l'évolution du capital, une majorité des deux tiers à l'assemblée générale ? L'ANSA répond.
La proportionnalité des droits de vote : principe et exceptions
Le principe : une action, une voix. - Dans une société, les droits de vote attachés aux actions sont en principe proportionnels à la quotité de capital qu'ils représentent. Chaque action donne ainsi droit à une voix au moins (c. com. art. L. 225-122).
Les exceptions. - La loi 2019-486 du 22 mai 2019, dite « Pacte », a apporté plusieurs assouplissements à ce principe de proportionnalité. Ainsi :
-dans les SA non cotées, il est possible de créer des actions à droit de vote multiple, grâce aux actions de préférence (c. com. art. L. 228-11) ;
-dans les SAS, il existe deux moyens pour créer des actions à droit de votre multiple : soit, en recourant aux actions de préférence ; soit, en créant statutairement des actions à droit de vote multiple.
Question soulevée par l'ANSA
La question pratique posée à l'Association nationale des sociétés par actions (ANSA) est la suivante : est-il possible de créer des actions à droit de vote multiple conférant, en toute circonstance, 2/3 des droits de vote à un actionnaire? Pour répondre à cette problématique, l'ANSA distingue le cas des SA de celui des SAS.
La réponse de l'ANSA
Le cas des SA. - Selon l'ANSA, une SA peut attribuer à un de ses actionnaires des actions conférent, de façon permanente, 2/3 des droits de vote, pour les raisons suivantes :
-le principe d'égalité entre les actionnaires n'est pas remis en cause puisque celui-ci s'apprécie à l'intérieur de chaque catégorie d'actions (ordinaires ou de préférence). Dès lors, rien n'interdirait de traiter différemment les personnes disposant d'actions de préférence et celles détenant des actions ordinaires ;
-le fait pour un actionnaire de détenir les 2/3 des droits de vote ne revient pas à lui conférer un droit de véto. Cela correspond à l'exercice d'un droit de vote majoritaire. Or, à l'inverse, le droit de véto anéantit en lui-même tout vote, même majoritaire ;
-le droit de participer aux décisions collectives n'est pas remis en cause (c. civ. art. 1844) ;
-un tel avantage n'est pas un engagement perpétuel prohibé (c. civ. art. 1210) puisqu'il ne s'agit pas d'une clause contractuelle ou d'un engagement.
À noter. L'ANSA attire toutefois l'attention sur le fait qu'il serait, en pareil cas, utile d'assortir les droits de vote multiples de certaines limitations (dans le temps ou pour certaines opérations ou dans certaines conditions), de sorte que ce privilège accordé à un actionnaire soit temporaire et, le cas échéant, renégocié à l'arrivée d'un nouvel investisseur.
Le cas des SAS. - L'ANSA estime qu'il est également possible pour une SAS d'émettre ce type d'actions, que celle-ci recourt ou non aux actions de préférence. En effet, ce type de privilège ne porte pas atteinte au droit des autres actionnaires de la SAS de participer aux décisions collectives. Pour autant, l'ANSA souligne que l'actionnaire privilégié devra exercer ses droits dans le respect de l'intérêt social et sans commettre d'abus de majorité.
Pour aller plus loin :
« Le mémento de la SA non cotée », RF Web 2023-5, § 1204
« Le mémento de la SAS et de la SASU », RF web 2025-2, § 200
ANSA, comité juridique du 3 septembre 2025, n° 25-047
